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La loge maçonnique Royal Alexandra de Montréal-Est

Compte tenu de l’interdiction longtemps faite aux catholiques par leur église d’appartenir à la franc-maçonnerie, rarissimes étaient les francophones du Québec à en faire partie. Dans un milieu homogène franco-catholique comme le territoire historique de la Pointe-aux-Trembles, il ne faut donc pas s’étonner de l’arrivée tardive d’une loge maçonnique.

Vue extérieure du temps de la rue Broadway

Les conditions favorables y naîtront en trois temps. Détachement de cinq terres de la paroisse de la Pointe-aux-Trembles en 1910 en vue de la formation de la ville de Montréal-Est. Réorientation durant la Première Guerre mondiale de la vocation de cette dernière de sa mission résidentielle initiale vers le développement industriel en collaboration avec de grandes sociétés dirigées par des cadres supérieurs et intermédiaires d’origine anglo-protestante. Accentuation de cette présence à l’occasion de la Deuxième Guerre mondiale, par l’implantation de nouvelles industries de guerre et de nombreuses maisons de la Wartime Housing après le conflit.

Aspect extérieur actuel du temple de Montréal-Est

Si la Canada Cement existait dès 1907, l’Imperial Oil s’installait à Montréal-Est en 1916, la Vulcan Steel en 1922 et la McColl-Frontenac-Texaco en 1924. Suivront bientôt la British American Oil, la Canadian Copper Refineries, la Canada Wire and Cable en 1931 et la Shell Oil en 1932.

C’est donc en février 1926 que la loge Royal Alexandra No 104 reçut sa charte à la demande d’une vingtaine de membres requérants dont plusieurs étaient vraisemblablement déjà francs-maçons, affiliés à d’autres loges. On procéda bientôt à l’érection d’un temple situé au 70 rue Broadway. Il s’agissait d’un élégant édifice en brique d’inspiration néo-gothique qui, transformé en entrepôt, subsiste toujours sous son revêtement de clins d’aluminium. La grande salle où se déroulaient les tenues en présentait l’aménagement habituel et le mobilier prescrit par les règles maçonniques.

Le tablier du Grand maître William Orrel

Le membership de la loge Royal Alexandra connut ensuite une croissance régulière comptant plus d’une soixantaine de membres dans les années cinquante si l’on se fie aux photos d’époque. Les activités s’y déroulaient en anglais, langue de la quasi-totalité des membres puisque la liste des officiers de la loge en 1951 ne comprenait qu’un seul nom en langue française sur vingt et un : il s’agissait du frère L. Boucher.

Les membres fondateurs de la loge de Montréal-Est

Un des membres fondateurs de la loge Royal Alexandra, M. Charles E. Holmes, résidant de la Pointe-aux-Trembles, occupera durant de nombreuses années la fonction de rédacteur en chef de la revue maçonnique québécoise Masonic Light, dans laquelle il publia plusieurs de ses recherches sur l’histoire du maçonnisme au Québec, s’attardant en particulier à sa présence sous le régime français et dans l’élite politique canadienne-française du XIXe siècle.

L’intérieur du temple vers 1931

En plus de se consacrer à son objectif premier, le développement personnel de ses membres, la loge de Montréal-Est s’impliqua discrètement au cours de ses soixante-dix ans d’existence à l’entraide fraternelle et à ses œuvres caritatives comme les paniers de Noël. Quelques commissaires d’écoles protestantes avaient été membres de la loge Royal Alexandra, notamment Charles E. Holmes, A. Park Sr, Dan Edmonds, Samuel et William Orrel, le grand-père et le père du bien connu Jim Orrel. William Orrel fut même Grand Maître de la loge.

À compter des dernières décennies du XXe siècle, malgré l’admission de quelques francophones, la fréquentation de la loge entra dans un déclin qu’elle ne sut surmonter. De 1960 à 1990, la population anglophone de Montréal-Est était passée de 1195 à 176. Si bien qu’il fut décidé en 1999 de fusionner la loge Royal Alexandra No 104 avec la loge Meridian No 125 à Pierrefonds sous le nom de Meridian Royal Alexandra Lodge No 125. Le petit temple de la rue Broadway fut vendu et transformé en entrepôt mais les murs intérieurs portent toujours les symboles propres à cette société.

 

Pierre Desjardins, texte tiré de
Les société secrètes à l’œuvre dans l’histoire de la Pointe-aux-Trembles,
Atelier d’histoire, novembre 2010

 

Sources pour les images (dans l’ordre) : 01- Jacques G. Ruelland, Grande loge de Montréal ; 02- Maurice Day ; 03- Jim Orrel, collection personnelle de son père ; 04- Ville de Montréal-Est ; 05- Jacques G. Ruelland, Grande loge de Montréal

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